De bonnes intentions peuvent provoquer d’énormes dégâts.
Souvent, après un long arrêt maladie, les changements dans l’entreprise sont tellement rapides que les personnes ressentent que tout a changé à leur retour. Il n’y a plus le même chef, plus les mêmes responsabilités, plus les mêmes collègues, plus le même lieu parfois… Elles ne reconnaissent plus leur entreprise. Le retour est alors ressenti comme un réel investissement de redémarrage.
L’arrêt maladie, et notamment l’après, comment réintégrer l’entreprise après un arrêt, est un aspect intéressant des relations professionnelles qui mérite que je lui consacre un article.
Exemples de reprise de travail
J’accompagne actuellement trois dames, une envoyée par son entreprise, deux venues à titre individuel, par rapport à des problèmes au travail. Leur point commun est d’être en long arrêt maladie.
La première est salariée d’une banque et a été agressée par un client, ce qu’elle a extrêmement mal vécu.
La deuxième était chef d’un service méthodologie de 4 personnes dans l’agroalimentaire et tout se passait bien jusqu’au jour où un petit jeune a été recruté : un garçon coléreux, jouant des coudes pour se faire remarquer par la hiérarchie, à la critique facile, désireux de tout révolutionner. Il restait jusqu’à 20h ou plus. Elle a voulu faire pareil pour ne pas laisser la place vacante, et elle s’est épuisée, jusqu’à craquer.
La troisième est en chimiothérapie pour soigner un cancer du sein.
Je les ai accompagnées pour qu’elles reprennent confiance en elles, redeviennent autonomes, retrouvent du plaisir dans certaines activités, tel que le sport. Elles ont identifié d’autres centres d’intérêt et recommencé progressivement à profiter de la vie. Le souci, c’est qu’aucune des trois ne veut retourner au travail ! Ce qui me pose question. A chaque séance, lorsque le sujet est abordé, elles sont confrontées à une angoisse insurmontable provoquant un blocage.
Pourtant, toutes les trois vont bien, font leurs courses, gèrent leur quotidien, rendent visite à leurs amis… mais le retour au travail est pour le moment insurmontable. Leur médecin traitant, prolonge l’arrêt maladie, seulement ceci aura une fin. Et après ?
A ce stade de la thérapie et du cheminement l’EMDR – Eye Movement Decentralisation Reprocessin – est très efficace . Cette méthode permet de travailler sur le traumatisme que la personne a vécue en entreprise et qui l’a amenée à l’épuisement.
Les statistiques de l’OMS (organisation Mondiale de la Santé) indiquent que :
65% des personnes qui reprennent le travail suite à un long congé maladie rechutent.
L’entreprise a continué à tourner en leur absence et a pu opérer des changements (nouveaux procédés, nouvelles têtes, etc.). Il faudrait aussi travailler avec leur équipe, sur sa manière d’accueillir celui (celle) qui revient après une longue absence pour raison de santé.
L’une des trois a finalement réintégré son service et son patron l’a reçue. Il s’est voulu rassurant dans son propos :
Tu fais à ton rythme. Si tu n’as pas fini le soir, tu le feras plus tard.
Très bien mais concrètement, personne n’a traité ses dossiers ni même ouvert sa messagerie durant ses 6 mois d’absence, en sorte qu’elle a découvert plus de mille e-mail et tout paraissait urgent. Ce ne serait pas problématique pour quelqu’un de superficiel, qui s’en fiche, mais cette dame est consciencieuse, rigoureuse et responsable. Je lui ai conseillé de faire table rase du passé, d’effacer tout ça d’un bloc, considérant que si certains e-mails étaient importants, leurs auteurs se re-manifesteraient. Il faut parfois privilégier la manière forte pour avancer, plutôt que de bloquer et stagner.
Exemple d’une chef de service
Jacqueline occupe un poste à responsabilité : responsable qualité dans une PME de 140 salariés. Suite à un épuisement professionnel, elle a été absente 8 mois avant de revenir en mi-temps thérapeutique. Son entreprise a été compréhensive et lui a proposé de travailler à son rythme pour qu’elle ne se fatigue pas trop. Du coup, elle a remarqué qu’on ne la consultait plus pour les décisions importantes. Elle s’est demandée ce qu’elle faisait là. Cette situation est frustrante, elle se sent court-circuitée, on consulte d’autres personnes dans le service dont elle est responsable, en pensant la préserver.
Pistes de travail, de progression ou d’amélioration
- Il me semble aussi nécessaire de travailler avec l’équipe pour voir comment elle va accueillir la personne à son retour. Souvent, la personne qui a été absente a peur du regard des autres. Accueillir la personne de façon à lui apporter un cadre de sécurité lui permettra de bien se réintégrer dans son poste et dans l’activité de l’entreprise.
- Rendre l’autonomie à la personne et lui faire confiance lors de son retour en entreprise :
– en l’aidant à une prise de conscience de la richesse de son travail.
– En lui permettant de retrouver le chemin de l’estime de soi.
– En lui apprenant à se détacher du regard de l’autre.
J’y ai d’ailleurs consacré un module de formation que j’ai intitulé : « Reprendre sa carrière autrement après une absence de longue durée ou un accident de parcours ».
Je suis parti du constat de l’OMS1 selon lequel 65% des personnes arrêtées en longue maladie et qui reprennent le travail rechutent au bout de 6 à 8 mois.
Mon module de formation s’adresse à des personnes qui ont souffert d’un burn-out, d’un cancer, d’un AVC, d’une maladie longue ou d’un accident.
Ce module dure deux jours et je l’organise en interentreprises. J’amène les gens au vert, dans un lieu en bord de mer, et leur apprends à retrouver l’estime d’eux-mêmes, à gérer le futur regard que le collègue portera sur eux… Parce que le retour s’anticipe et se prépare.
Beaucoup me disent qu’ils ont perdu ce qu’on appelle « la mémoire courte » : les numéros de téléphone utiles au bureau, les raccourcis sur le clavier de l’ordinateur… tous ces petits automatismes qui nous font gagner du temps. L’entreprise doit accepter le fait que la personne n’atteindra pas immédiatement sa vitesse de croisière « d’avant » et la personne doit apprendre à ne pas culpabiliser pour cela.
J’invite les managers à passer, lors de ce module, au démarrage ou bien au déjeuner, par exemple, et j’insiste sur la nécessité d’un travail sur-mesure. Certains veulent reprendre calmement quand d’autres se sentiraient diminués si on les ménageait trop ostensiblement. Le rôle du manager est essentiel, par les consignes qu’il donnera – ou pas – à l’équipe du service auquel appartient la personne qui revient.
Objectifs de la formation « Reprendre sa carrière autrement :
- retrouver le chemin de l’estime de soi, que l’on perd vite ;
- dépasser ses croyances « limitantes », du genre : « Je ne suis plus capable de faire ça ». A équilibrer ses domaines de vie, aussi, car souvent, celui qui craque, qui souffre d’un burn-out ou se rend malade, en arrive là parce qu’il n’y a que l’entreprise dans sa vie. Pas de famille ou pas de soutien de la part de la famille, plus de sport, plus de loisir… il faut rééquilibrer cet aspect si l’on veut que la personne s’épanouisse durablement.
- un autre objectif est que la personne identifie ses nouveaux atouts, après sa longue absence. Elle a forcément changé car on évolue en permanence.
- s’agissant d’un stage interentreprises, il offre la possibilité aux participants de réaliser qu’ils ne sont pas seuls dans leur cas, ce qui s’avère important. Cela contribue souvent à dédramatiser la situation.
Après ces deux jours de formation, la personne réintègre l’entreprise et par la suite, il y a deux séances de coaching proposées, à deux mois d’intervalle, pour voir comment le coaché se sent, ce qui fonctionne, ne fonctionne pas…
Grâce à quoi la personne est bien préparée pour se réinsérer dans l’entreprise, y retrouver pleinement sa place et s’y épanouir.